Élégance et révolution : les coiffures féminines du XIXᵉ siècle #
L’inspiration romantique : anglaises, chignons et tresses raffinées #
Les premières décennies du XIXᵉ siècle voient s’imposer des styles directement influencés par le mouvement romantique, valorisant la grâce, la délicatesse et la nature idéalisée. À la lumière des tableaux de l’époque, il est frappant de constater que l’on retrouve partout l’anglaise : cette bouclette fine et souple, réalisée au fer, encadre le visage, parfois jusqu’aux épaules. Déjà très prisée par les héroïnes de Jane Austen à partir de 1820, elle séduit la bourgeoisie et l’aristocratie, devenant synonyme de jeunesse et de raffinement.
Les femmes structurent alors leur chevelure selon des schémas précis : raie centrale, mèches lissées sur les tempes, tresses ou chignons élaborés à l’arrière. Un symbole de pureté et de contrôle ressort de ces constructions, où l’art du détail révèle souvent l’habileté des mains féminines et la minutie apportée aux accessoires : peignes d’ivoire, épingles ciselées, ou encore rubans de soie brodée. Dès 1835, la sophistication s’accentue : les volumes se déploient, les tresses s’entrelacent et le chignon se hisse en véritable sculpture de cheveux, souvent agrémenté de fleurs fraîches ou d’ornements précieux.
- Entre 1820 et 1835, la popularité des anglaises gagne Paris, Londres et Vienne sous l’influence des romans et des gravures de mode.
- Les chignons bas et les tresses couronnes s’imposent chez les femmes de lettres comme George Sand ou la duchesse de Berry.
- L’idéal romantique se traduit par des coiffures qui évoquent l’innocence, la mélancolie ou la rêverie, en parfaite résonance avec les arts visuels et littéraires du moment.
L’essor des postiches et l’art du volume #
Avec l’avancée du XIXᵉ siècle, la recherche de volume spectaculaire prend le pas, portée par l’essor de la technique du crêpage, l’apparition des postiches et la maîtrise des mèches enroulées. Vers 1867, les chevelures adoptent des dimensions inédites, particulièrement à l’arrière de la tête, où les cascades de boucles et les volumes gonflés deviennent un signe ostentatoire de raffinement. Les faux cheveux se démocratisent, prêts à être intégrés dans une structure sophistiquée avec un naturel bluffant, donnant aux femmes un moyen d’adopter les codes du prestige à moindre coût.
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Ces innovations s’accompagnent de nouveaux outils : coussins rembourrés, filets invisibles, épingles renforcées. Le crêpage, qui consiste à rehausser la fibre capillaire pour créer du volume, devient une technique courante, tout comme l’usage des mèches roulées en coque. À partir des années 1870-1880, la vogue du chignon haut et des cheveux montés en masse se propage, encouragée par la presse féminine qui en fait des modèles à imiter dans tous les salons.
- En 1875, l’impératrice Élisabeth d’Autriche s’invente des coiffures spectaculaires, véritables chefs-d’œuvre de postiches, dont les portraits officiels gardent la mémoire.
- Le crêpage et le montage sur coussin deviennent les gestes techniques les plus recherchés par les coiffeurs de la haute société parisienne.
- L’utilisation de faux cheveux et de pièces rapportées s’étend peu à peu aux milieux populaires dès que l’offre industrielle rend ces accessoires accessibles.
Le langage social de la coiffure : entre distinction et imitation #
La coiffure du XIXᵉ siècle ne se limite pas à un effet de style : elle façonne l’image sociale et l’appartenance à un groupe. Les femmes issues de classes aisées disposent de coiffeurs attitrés, d’ornements précieux et de matières rares, affirmant leur rang par la complexité des arrangements capillaires, le coût des accessoires et la profusion des ornements. À l’inverse, celles des milieux plus modestes rivalisent d’ingéniosité pour réinterpréter les tendances avec des moyens restreints, souvent en recyclant des rubans ou en imitant des bijoux à moindre coût.
Cette dynamique s’intensifie à mesure que la presse féminine et les revues de mode illustrées multiplient les gravures détaillées, rendant accessibles à toutes les dernières folies de la Cour ou de la haute bourgeoisie. Styles, gestes techniques et accessoires traversent ainsi les frontières sociales, redéfinissant le rapport au paraître et à la modernité. Un phénomène de démocratisation, catalysé par la multiplication des magazines comme le Moniteur de la mode ou le Journal des coiffeurs, pose déjà les bases de la diffusion massive des tendances.
- Les parures en écaille ou en ivoire, portées par la princesse Mathilde, font l’objet d’imitations en bois ou en résine chez les modistes du faubourg Saint-Antoine.
- Le Journal des demoiselles, dès les années 1850, propose des patrons et des astuces pour transformer un simple chignon en œuvre d’art, sans ruiner son budget.
- La réinterprétation populaire des coiffures aristocratiques illustre la montée d’une mode de masse où chaque femme façonne son identité, quel que soit son statut.
Pratiques et accessoires incontournables : de la coiffe à l’épingle #
Le XIXᵉ siècle consacre une véritable explosion de la créativité en matière d’accessoires de coiffure. Les peignes, épingles et diadèmes deviennent les compagnons incontournables de toute toilette élégante. Chaque accessoire répond à une fonction précise : fixer, décorer, rehausser ou stabiliser le volume. Les plus prisés demeurent les peignes sculptés en écaille, les épingles ornées de pierres semi-précieuses, les bandeaux plats en velours ou en perles, ainsi que les coques rembourrées pour donner du maintien aux volumes.
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Les femmes rivalisent alors d’audace pour personnaliser leurs parures, utilisant aussi bien des fleurs naturelles que des plumes d’autruche, des camées ou des petits bijoux. L’esthétique se double d’une dimension technique : pour garder la coiffure intacte du matin au soir, il faut maîtriser l’art de piquer, lier et camoufler les attaches. Le chapeau complète la composition, allant de la capote légère ornée de brides à la capeline surdimensionnée apparue avec la Belle Époque.
- Le peigne en écaille garantit à la fois maintien et élégance, utilisé dans la mise en place du fameux chignon banane des années 1890.
- Les épinglettes à tête de perle font fureur à l’Exposition universelle de 1889, accentuant encore la sophistication des coiffures de soirée.
- Les diadèmes en strass, adoptés par l’impératrice Eugénie, inspirent une multitude d’imitations destinées à la petite bourgeoisie citadine.
Icônes et influences artistiques au fil du siècle #
Certaines figures féminines incarnent avec éclat la créativité et les mutations des coiffures XIXᵉ. Les portraits de Sarah Bernhardt révèlent une diversité de styles, allant de la tresse couronne romantique au chignon vertical sophistiqué. L’impératrice Sissi, dont la chevelure démesurée fait l’objet de récits et de représentations, impose à elle seule toute une esthétique de l’abondance capillaire, que nombre de femmes tentent d’émuler à travers l’Europe.
Les peintres et photographes, tels que Franz Xaver Winterhalter ou Nadar, immortalisent ces arrangements capillaires en leur conférant une valeur patrimoniale inestimable. La chevelure féminine devient alors un sujet artistique à part entière, témoin des évolutions du goût et des canons de beauté successifs. Les modèles, qu’elles soient comédiennes, aristocrates ou bourgeoises, contribuent à imposer des silhouettes capillaires qui marquent leur époque et inspirent tant les anonymes que les créateurs de mode.
- Les célèbres portraits de Sophie Charlotte de Bavière la montrent arborant des chignons tressés ornés de perles, symboles de pouvoir et de raffinement.
- Le peintre Winterhalter fait de la chevelure un attribut essentiel de la féminité, jouant sur la lumière et la texture pour sublimer les volumes.
- À la fin du siècle, les photographies de Cléo de Mérode témoignent d’une nouvelle liberté dans la façon de porter le chignon, parfois accessoirisé d’un simple ruban noir ou d’un bijou Art nouveau.
La métamorphose des styles au tournant des années 1890 #
Les années 1890 amorcent une vraie transition stylistique : les anglaises sont peu à peu délaissées au profit de volumes crantés et de chevelures relevées d’une liberté nouvelle. Le chignon connaît une transformation profonde, se positionnant plus haut, avec des formes plus libres, parfois asymétriques. Cette mue s’explique autant par les évolutions de la mode vestimentaire que par l’émergence d’un idéal d’émancipation féminine, incarné par les premières suffragettes ou les actrices de la scène parisienne.
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Les femmes s’affranchissent progressivement des carcans anciens, expérimentant des coiffures plus pratiques sans rien céder à l’élégance. La Belle Époque annonce déjà la modernité du XXᵉ siècle, avec ses cheveux ondulés, ses volumes souples, ses coiffes aériennes et ses accessoires Art nouveau. Cette évolution marque une rupture significative avec la rigueur du passé, ouvrant la voie à une redéfinition du rapport féminin à la beauté.
- Les grands coiffeurs parisiens, comme Alexandre-Ferdinand Godefroy, proposent des innovations techniques qui simplifient la mise en forme et favorisent l’adoption de lignes plus naturelles.
- Au bal de l’Opéra de 1895, la majorité des invitées arbore des chignons hauts, crantés et savamment accessoirisés d’aigrettes ou de petites couronnes stylisées.
- La presse de mode met en avant des femmes actives, affichant une chevelure moins contraignante, symbole d’autonomie et de liberté nouvelle.
Plan de l'article
- Élégance et révolution : les coiffures féminines du XIXᵉ siècle
- L’inspiration romantique : anglaises, chignons et tresses raffinées
- L’essor des postiches et l’art du volume
- Le langage social de la coiffure : entre distinction et imitation
- Pratiques et accessoires incontournables : de la coiffe à l’épingle
- Icônes et influences artistiques au fil du siècle
- La métamorphose des styles au tournant des années 1890